Dans le cadre du Paris Open Source Summit 2017, Caroline Corbal (Présidente de DemocracyOS France) est intervenue lors de la plénière « Ecosystem » – pilotée par Bastien Guerry – sur le thème « Civic tech : des biens communs, sinon rien ».
« Les civic tech sont partout. Ce postulat est vrai si… vous êtes un citoyen militant, un hacker engagé, ou travaillez dans une administration ou une collectivité locale. Et encore. La civic tech plus que jamais à l’agenda politique, mais beaucoup trop de citoyens en sont encore exclus ».
L’objectif de cette présentation était de partager un rapide état des lieux de la « civic tech« , des défis qu’elle doit relever pour renforcer son impact, en proposant quelques pistes de réflexion issues de l’expérience de terrain de l’association DemocracyOS France.
On constate, comme beaucoup d’autres, que les civic tech sont confrontées à de nombreuses limites :
- Des taux de participation bas, beaucoup de citoyens non informés de l’existence des démarches de participation qui les concernent ;
- Une faible représentativité parmi les participants, notamment du au phénomène de « fracture numérique » ;
- Une offre d’outils trop peu lisible, dispersée ;
- La multiplication de modèles économiques fermés, peu respectueux des libertés des utilisateurs et impliquant des surcoûts difficiles à supporter ;
- Une défiance, à la fois des citoyens envers ces démarches (« mon avis ne sera pas pris en compte« ), et de ceux qui les initient, souvent par manque de formation.
Dans ce contexte, les civic tech doivent répondre selon nous à plusieurs grands défis, dont :
Pour répondre à ces grands défis, il nous semble fondamental que les civic tech soient pensées, conçues, développées, mises en œuvre et pérennisées dans une logique de biens communs numériques.
Pour y parvenir, voici quelques pistes :
1) S’appuyer sur l’existant
Avant de réinventer la roue et disperser nos énergies : regardons ce qui est déjà fait et porté par ailleurs. De nombreuses solutions techniques existent et des centaines de cas d’usages sont répertoriés et documentés. L’OGP Toolbox répertorie ainsi 1375 outils, plus de 200 cas d’usage, et plus de 500 organisations actives.
2) Dépasser l’outil
Il est fondamental de désacraliser l’outil. L’outil n’est qu’un moyen, qui répond aux besoins d’un projet en matière de participation.
Au delà de ça, il est fondamental de travailler sur des méthodologies claires et exhaustives qui vont régir une démarche de participation.
Un outil sans engagements clairs, sans animation en « présentiel », sans communication, sans formation et pédagogie, ne sert à rien.
Enfin, les démarches de participation ne peuvent être pensée sans définir les valeurs sur lesquelles toutes les parties prenantes s’accordent.
3) Garantir la transparence
Parmi ces valeurs : garantir la transparence est fondamental. Cela passe en autres par l’utilisation de logiciel libre, qui offre à chacun des garanties en termes de sincérité, ainsi que la mise à disposition en Open Data des données produites. Aussi, il est impératif lorsqu’on lance une démarche de participation en ligne, de partager les règles du jeu le plus en amont possible, notamment les engagements pris et les moyens prévus pour les réaliser concrètement.
4) Mutualiser pour pérenniser
Il y a énormément d’initiatives qui évoluent en parallèle. Sans remettre en cause cette diversité et ce réseau dans lequel la « civic tech » puise force, il devient fondamental de mutualiser ce qui est fait : des retours d’expériences, des méthodologies, des dépenses — dont les dépenses publiques, le développement de fonctionnalités techniques dans une logique d’interopérabilité, etc. Concernant les dépenses, notons que le logiciel libre permet de financer une seule fois des fonctionnalités qui peuvent ensuite bénéficier à plusieurs acteurs.
Nous avons également intérêt à développer une réflexion commune sur les modèles économiques de la « civic tech » et leurs financements dans une perspective d’impact et de pérennisation.
5) Former et accompagner
Il est crucial d’accompagner l’adoption de ces nouveaux usages auprès des citoyens, mais également de ceux qui sont à l’initiative de ces démarches, les facilitent, ou encore les pilotent. Dès lors, une collaboration entre initiatives de la médiation numérique et celles des « civic tech » nous apparaît comme urgente et fondamentale.
Nous pensons en particulier que l’outillage des jeunes publics est important, leur offrant la capacité d’exprimer leur voix durant leur scolarité, grâce au numérique.
En conclusion, les citoyens ne s’approprieront véritablement les « civic tech » que si nous sommes en capacité de créer et garantir la confiance nécessaire dans ces démarches. Selon nous, cela passe par la création, le développement et le soutien de biens communs numériques, utilisés et gouvernés par chacun.
Pour renforcer cette confiance, nous travaillons depuis 2016 à l’élaboration d’une « Charte éthique pour la confiance dans les démarches de participation en ligne », proposant un ensemble de règles visant à donner à toutes les parties prenantes des garanties de loyauté, de transparence et d’inclusivité.
Elle sera bientôt ouverte à nouveau à consultation, afin de converger vers une version finale.