Cet article a été rédigé par Gabriel Plassat (Fabrique des Mobilités) et publié initialement sur le blog de la Fabrique des Mobilités, mis à disposition sous licence CC BY 4.0

Pour rester dans la course à la voiture connectée et autonome, chaque semaine un constructeur annonce devenir partenaire de tel ou tel consortium. Derrière cette pratique ancienne visant à mutualiser les développements et les risques, se cache au moins deux approches radicalement différentes.

Récemment, Baidu a lancé son programme http://Apollo.auto qui se présente déjà comme le plus grand écosystème mondial avec 65 constructeurs et de nombreux acteurs du numérique. Tencent poursuit en formant une nouvelle alliance dédiée à l’intelligence artificielle automobile. Ce « club » abrite déjà Sebastian Thrun (le professeur de Stanford considéré comme le père de la Google Car), le président de BAIC, l’un des plus gros constructeurs du pays. « Nous voulons être un «connecteur» entre les différents acteurs de la filière», a précisé Chen Juhong, vice-présidente de Tencent, qui entend réaliser un «effort total» pour participer à la mise au point de la technologie de la voiture sans chauffeur. «Seuls ceux qui collaborent avec les spécialistes d’autres secteurs pour fabriquer les prochaines générations de voitures survivront, ceux qui veulent continuer à travailler dans leur coin mourront», tranche Xu Heyi, le patron de BAIC.

L’Open source est né dans le logiciel et s’y développe encore largement. Au départ, l’open source est simplement une façon de travailler à plusieurs, rendue possible par les technologies logiciels. Comme le logiciel “dévore le monde” et remonte la chaîne de valeur, la culture de l’open source s’insinue dans de nombreux secteurs industriels aujourd’hui encore dominés par le brevet et la propriété. Voilà donc les deux grandes familles d’écosystèmes. Ceux qui conservent la culture “fordiste” et ceux qui intègrent l’open source au coeur de leur processus.

Les USA ont dominé et dominent encore l’industrie des logiciels, hébergeant ainsi de larges et puissantes organisations militantes de l’open source comme Red Hat. Futurist et Spécialiste de l’Asie, Brunon Marion m’indiqué que “la vision asiatique et chinoise sur la propriété intellectuelle est effectivement très différente de la vision européenne et de la vision américaine. Mais il faut aussi considérer un autre driver très fort : le gouvernement chinois a clairement annoncé que la Chine ne devait pas dépendre des technologies, brevets, fournisseurs, etc. américains”.

Après les USA, la Chine montre en 2017 que l’open source n’est plus une option pour aller vite, en grand nombre, dans un environnement complexe et incertain. Aucun programme européen n’affiche une ambition similaire.

Pour  Dietmar Fauser, vice-président de l’assurance de la qualité de la recherche et du développement chez Amadeus, l’Open source peut fonctionner comme un “agent de changement culturel”. Il met en place les équipes, crée de l’énergie et des connaissances communes. L’Open Source, comme le numérique, doit donc se mettre en pratique dans toutes les organisations pour en faire un nouveau levier de croissance et non une menace.

Au fil du temps, toutes les industries ont développé des organisations, des processus, des critères, et une culture liés au produit ou process qu’elles développent et commercialisent. Les industries fordistes sont donc construites sur des logiques de rendement limité, d’effet lié au volume, de stabilité, de progrès incrémentaux et de linéarité. Des alliances, consortiums, partenariats et autres ont permis aux industries fordistes de mutualiser à un niveau supérieur des composants complexes ou encore de créer des standards. Dans ce cadre des contrats ou M.O.U. précisent ce que chacun s’engage à faire et ce qu’il va en retirer. Les échanges sont donc bidirectionnels, quasi synchronisés et entièrement planifiés. Tout est prévu à l’avance.

Les industries numériques, GAFA, NATU ou encore BATX (Baidu Alibaba Tencent et Xiaomi), sont construites sur les rendements croissants, de progrès non linéaires, une recherche permanente d’anti fragilité (lire la série chaos monkey – Netflix a d’ailleurs mis ses solutions Chaos Monkey en open source) et une relation particulière à la multitude. Nous observons que pour l’IA, l’open source se propage à mesure que la complexité et que les étapes sont franchies : pourquoi dois-je poursuivre les développements et la maintenance de ce module alors qu’il reste tant à faire et qu’il n’est plus stratégique ? D’autant que les GAFA conservent leur avantage compétitif majeur : l’accès à la multitude, donc aux torrents de données permettant d’alimenter les IA. Sans torrent, pas d’apprentissage en continu…

Le numérique se développe dans tous les secteurs et chaque fordiste cherche à numériser ses produits, alors que les GAFA investissent tous les secteurs industriels en exploitant leur relation avec la multitude, leur plateforme et désormais leur IA.

Les nouveaux écosystèmes qui se construisent mélangent Fordistes et numériques. En fait ce ne sont pas des consortiums traditionnels, ni des partenariats ou encore de nouvelles filières. Il s’agit là de nouveaux écosystèmes industriels dont il faut inventer de nouveaux processus, langages et de nouvelles règles. Les valeurs mises en oeuvre dans l’open source deviendront probablement celles de ces écosystèmes dans lesquels la volonté et la raison d’être sont partagées mais pas l’intégralité des actions pour y arriver.

Il faut alors accepter de donner sans être sûr de recevoir de façon symétrique, de ne pas tout prévoir dans un contrat déterminant à priori ce que chacun va produire et recevoir à l’avance. Les normes et standards sont alors faits par les acteurs eux mêmes sans intermédiaire. Les livrables produits deviennent de véritables objets liens dans l’écosystème permettant à chaque acteur de se positionner pour le compléter ou l’expérimenter. La valeur est créée autant dans les produits et services développés en commun que dans la culture, les processus inventés par les entreprises pour être capable de mieux évoluer ensemble dans l’incertitude. L’effectuation, déjà délicate dans des organisations volontaires, doit ici se jouer à plusieurs ! A16Z d’Andreessen Horowitz nous offre cet excellent échange sur le changement de culture apporté par l’Open Source et annonce « that’s not just tech companies but hospitals and banks; it touches everyone ».

Les données ont jusqu’à présent servi de prétexte pour tenter de collaborer, sans réel succès. La valeur d’une donnée ne peut pas être déterminée à priori mais uniquement à posteriori si des services, éventuellement rentables, peuvent s’y appuyer. Il est donc nécessaire de fournir des données dans un cadre de confiance suffisamment clair et protégé et “voir après”. Ce déséquilibre avant n’est pas naturel car très rarement pratiqué dans l’industrie. Récemment deux voies sont apparues pour guider les premiers pas : un acteur qui fait office de gestionnaire neutre des données, comme Dawex ou Catalogue ou une technologie neutre “by design” comme Dovu.io ou blockchain-mobility.

Là aussi il est question de confiance, de liens entre les acteurs, de vision commune partagée. Cette nouvelle culture commune est à construire avant tout par la pratique et l’action dans des projets concrets et utiles, en partageant une raison d’être. L’Open Source peut devenir une force pour votre entreprise, vos relations avec des partenaires, accroitre et renforcer vos réseaux. Venez vous entraîner avec la Fabrique !

Posted by OpenByDesign